Miss Emily
Ils s'étaient rencontrés en gare de Budapest
Mais, lorsqu'en arrivant tous deux en gare de l'Est,
Soudain, pris d'un culot excessif à son âge,
Il lui dit : "Voulez-vous que je port' vos bagages ?"
Six mois après, ils étaient mariés.
Il était charmant. Elle était anglaise
Et tout le jour, il soupirait
Cette chanson, ne vous déplaise :
Miss Emily, vous êtes
La muse du poète.
"Le poète c'est moi, avec un grand chapeau
Et la muse, c'est vous, couverte d'oripeaux."
Miss Emily, cher ange,
Ah ! L'envie me démange
De vous mordre le cou, si vous ne m'aimez pas.
Vous m'aimez Emily, n'est-ce pas ? Oui ?
Ah ! Quoi qu'il arrive, quoi qu'il arrive,
Vous êtes passée sur ma rive,
Quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse,
Le temps s'enfuit et tout s'efface.
Il se montra très doux, elle se montra coquette.
Elle lui flanquait des coups, il en restait tout bête.
Il faisait le marché, balayait le salon,
Il réparait l'évier, le toit de la maison.
Six mois après, il ne marchait plus.
Il était bancal, elle était anglaise
Et malgré ça, toujours ému,
Il lui chantait, ne vous déplaise.
Un jour, il eut assez de cette vie de bagne.
Il amène Emily là-haut sur la montagne,
Soi-disant pour cueillir d'innocents champignons,
Mais il a son idée, son idée, le mignon.
C'est un couteau qu'il brandit soudain.
Il était terrible, elle était anglaise,
Mais au moment de mourir un brin,
Il lui chanta, ne vous déplaise :
Miss Emily, vous êtes
La veuve du poète.
Le poète, c'est moi, avec un grand couteau
Et la muse, c'est vous qui me tuez bientôt.
Miss Emily, je pleure
Des larmes comme du beurre,
Mais avant de mourir, avant mon trépas,
Vous m'aimez Emily, n'est-ce pas ?
Oui, ah !
Je me décide, je me décide
A ce charmant petit suicide.
Quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse,
Le temps s'enfuit et tout s'efface.